Tethered Appliances : péril en la demeure

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J’ai parlé récemment du très intéressant livre The Future of the Internet and How to Stop It dans lequel il est soutenu, entre autres, que la montée en popularité des appareils verrouillés du genre iPhone, parce qu’ils sont « stériles », menacerait les fondements de ce qui a permis la révolution numérique que nous connaissons, la générativité d’Internet et de l’ordinateur personnel.

Dans son livre, l’auteur Jonathan Zittrain discute également abondamment d’une autre tendance tout aussi dangereuse et de plus en plus présente dans l’écosystème Internet : celle des « tethered appliances » c.-à-d. des appareils « tenus en laisse » par leurs fournisseurs.

Nous sommes depuis longtemps confrontés avec ce concept dans les applications informatiques que nous utilisons tous les jours. En effet, il est maintenant courant pour un logiciel ou un système d’exploitation de garder contact avec son créateur pour, par exemple, effectuer des mises à jour ou rapporter des problèmes. Certains développeurs sont allés encore plus loin en utilisant cette « laisse » pour combattre avec plus ou moins de succès le piratage de leurs produits. Mais dans le cas des logiciels pour PC ou pour MAC, l’appareil étant lui-même pleinement génératif, l’usager a toujours le choix d’installer un autre logiciel si cette laisse ne fait pas son affaire.

Une telle fonctionnalité est beaucoup plus pernicieuse lorsque les utilisateurs n’ont pas vraiment ce choix, comme dans le cas des appareils verrouillés. Même si le consommateur achète tout à fait légitimement un tel appareil, d’une certaine façon il n’en est jamais véritablement propriétaire. C’est plutôt un nouveau genre de location à long terme où le fabricant conserve à jamais le droit de modifier l’appareil à sa guise et selon ses propres intérêts. Avec bien des avantages sûrement (correction de bogues, ajout de fonctions, etc.), mais également des possibilités de dérives et d’abus extraordinaires.

Un des exemples dramatiques cités par Zittrain pour en illustrer les dangers concerne la possibilité « d’écouter aux portes » des utilisateurs d’appareils « tethered ». Il cite notamment le cas où un véhicule équipé d’un système OnStar a été reprogrammé à distance pour espionner les occupants suite à une injonction d’un corps policier. Et il s’inquiète avec raison de l’utilisation que pourraient faire de ces technologies les régimes politiques répressifs.

Mais, à mon avis, le plus grand danger est beaucoup moins spectaculaire et surtout plus insidieux. Un danger que Apple, avec son iPhone, pourrait bien être en voie de démontrer.

Sous ses airs de produit pleinement personnalisable, le iPhone est peu génératif au sens « Zittrain » du terme, le fabricant exerçant un strict contrôle des applications qu’il est possible d’y installer. C’est un appareil (presque) verrouillé et quasi stérile.

C’est également un appareil solidement tenu en laisse par son fabricant. En effet, à l’indignation des aficionados de la pomme qui ont eux-mêmes découvert le pot aux roses, Apple a confirmé que son appareil phare était muni d’une « kill switch » permettant de désactiver à distance des logiciels « malicieux ou inappropriés » déjà installés dans l’appareil.

Jusqu’à présent, les quelques cas où des applications ont fait l’objet d’un refus de la part de Apple ont soulevé peu de controverses. Ce dernier incident ici, qui implique un petit jeu pas très « politically correct », n’en soulèvera probablement pas davantage. Mais celui-ci est à mon avis beaucoup plus lourd de signification et démontre les dangereuses possibilités de dérive associées à un tel contrôle. Apple est pris en flagrant délit de censure morale arbitraire carabinée.

Certains diront que cela est somme toute une très banale et inoffensive censure?

Nonobstant le fait qu’il est périlleux pour une société démocratique, où la liberté d’expression est cruciale, de laisser l’entreprise privée s’arroger le droit de dicter les limites à cette liberté, c’est également la négation du principe de base qui fait d’Internet une si extraordinaire invention : la libre circulation de toutes les formes d’expressions et d’innovations.  Et cela nous donne une idée du genre d’Internet qui en résulterait : un Internet à la merci de la rectitude politique, un média ou l’anticonformisme et la contre-culture seraient réduits au silence.

Ce qui est alarmant c’est que cette tendance vers les appareils « tethered » est loin d’être marginale. À preuve, Google « Don’t be evil » lui-même a inclus une « kill switch » similaire dans Android, son tout nouveau système d’exploitation Open Source pour les appareils mobiles. Et déjà une première controverse se dessine peut-être à l’horizon pour celui-ci.

Chose certaine, l’avènement des « Tethered Appliances » est un autre pas dangereux vers la fin de l’Internet tel que nous le connaissons.

Pierre M

Certifié libre

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Plusieurs l’auront remarqué  ;-),  mes billets sont depuis peu publiés sous licence Creative Commons Attibution-ShareAlike en lieu et place de la licence Attribution-Noncommercial-ShareAlike que j’utilisais auparavant.

Ce changement résulte d’une découverte extrêmement intéressante que j’ai faite récemment : Definition of Free Cultural Works.

Ce wiki, une initiative d’un membre respecté de la communauté du logiciel libre et d’un wikipédien de la première heure, vise à définir d’une façon claire et si possible consensuelle, la signification exacte qu’il faut donner au mot « libre » dans l’expression de plus en plus populaire « culture libre ».

La raison invoquée par les auteurs pour justifier une telle entreprise est que l’on ne peut espérer construire un mouvement social du libre cohérent et prospère, tel qu’il en existe un pour le logiciel libre, sans d’abord définir les conditions de base pour lesquelles une œuvre culturelle peut être considérée comme libre.

En effet, grâce au leadership de gens comme Richard Stallman, le mouvement du logiciel libre a très tôt énoncé un ensemble de concepts autour duquel le mouvement a par la suite pu se construire et croître. Ce qu’il a réussi à faire d’une façon inespérée. Pour les autres types d’œuvres culturelles, il n’existe aucun équivalent à la Free Software Foundation pour définir, promouvoir et défendre les valeurs du libre.

On attribue souvent ce rôle, par erreur, à l’organisme Creative Commons. Mais celui-ci ne revendique aucunement cette responsabilité. Son mandat se limite à mettre à la disposition des créateurs un ensemble de licences « libres » mieux adaptées à la réalité du web, et ainsi offrir une alternative au copyright classique (ce qui est tout à fait louable). Bien qu’il soit très sympathique à la cause, il n’a jamais été dans les intentions de Creative Commons de se poser en champion du mouvement du libre. Ce qui est bien dommage diront certains.

Lancé en mai 2006, Definition of Free Cultural Works (DFCW) a rapidement reçu la contribution d’artistes et de créateurs ainsi que celle de la communauté Wikipedia, incluant certains membres importants. Plusieurs des grandes sommités de la culture libre y ont également participé d’une façon ou d’une autre dont Lawrence Lessig, Eben Moglen ainsi que RMS lui-même.

La révision 1.0 de la définition a été publiée en février 2007 pour être rapidement adoptée par Wikimedia, la maison mère de Wikipedia. La définition acquiert ses lettres de noblesse un an plus tard lorsqu’elle est endossée par Creative Commons. Le document en est maintenant à la révision 1.1 et plus d’une douzaine de traductions sont déjà disponibles, dont une très correcte en français.

Armée de cette définition, la communauté DFCW a également évalué les licences en présence dans la culture libre, et énumère celles accordant les libertés nécessaires. C’est ce qui m’a permis de découvrir entre autres que les licences « non-commerciales » de Creative Commons, les plus utilisés, ne sont pas aussi libres que cela, et qu’il existe de bonnes raisons pour ne pas les employer. D’où ma décision de changer de licence.

Pour l’instant, les activités de DFCW semblent se limiter au peaufinage et à la traduction de la définition, ainsi qu’à la classification des licences. Mais il y a fort à parier que cela n’en restera pas là. Les intentions de l’instigateur du projet sont claires : c’est un premier pas, un cri de ralliement, vers la mise en place d’un véritable mouvement social du libre inclusif à toutes les formes d’expressions.

Et à mon avis c’est un premier pas tout à fait réussi.

En tout cas, moi mon blogue est maintenant « certifié libre ».ccbysa_yellow

Pierre M

Plaidoyer pour le paiement libre

(Original en anglais ici)

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D’abord et avant tout, je tiens à insister sur ce que le paiement libre n’est pas. Le paiement libre n’a rien à voir avec la charité, la bonté ou la générosité.

Pour le consommateur du libre, c’est en premier lieu un acte commercial égoïste. Le consommateur paie pour garantir son bonheur futur. Car il apprécie le produit et il est suffisamment sage pour réaliser qu’il doit contribuer s’il veut s’assurer que le producteur lui en fournisse davantage à l’avenir.

Pour le producteur du libre, accepter un paiement libre ne fait pas de lui un mendiant. Les paiements libres sont une juste rémunération pour son travail, d’autant plus mérités qu’ils sont librement faits par le consommateur. C’est un signe d’approbation et un encouragement à poursuivre.

Le paiement libre est une transaction d’affaires comme une autre. Une transaction basée sur l’amour, la passion, le bon sens, et surtout, la liberté, mais une transaction d’affaires tout de même.

Cela étant dit, je veux maintenant élaborer sur les extraordinaires avantages d’une culture du paiement libre pour les consommateurs, les producteurs et la société.

Pour le consommateur du libre :

  • Le consommateur est libre de choisir quel producteur payer et lequel ne pas payer, peu importe ses raisons. Et dans tous les cas, il peut quand même jouir librement des produits et services offerts.
  • Le consommateur paie uniquement pour ce qu’il apprécie du producteur. Il peut choisir de payer pour une copie, une performance, un service, un produit futur ou pour le travail du producteur dans son ensemble.
  • Le consommateur est libre de choisir le montant à payer. Il peut payer le prix suggéré ou selon la valeur marchande du produit, ou encore d’après l’évaluation que lui-même en fait. Il est libre de prendre en considération sa propre capacité de payer. Quelle qu’en soit la raison, il peut choisir de payer moins, ou plus, sans aucun besoin de se justifier.
  • Le consommateur est libre de payer quand il le veut. Il peut payer maintenant, plus tard ou jamais. Il peut décider par exemple de reporter le paiement jusqu’à ce qu’il en ait les moyens, ou encore étaler ses paiements dans le temps.
  • Le consommateur paie pour ses propres raisons. Parce qu’il aime le produit ou qu’il respecte le fabricant. Ce peut être une manière de le féliciter ou de l’encourager, ou parce qu’il trouve que le travail du producteur est important pour lui, pour la communauté ou pour la planète.
  • Via sa communauté, le consommateur acquiert un pouvoir de vie ou de mort sur le producteur de libre. Avec le paiement libre, il acquiert l’ultime levier pour exercer pouvoir et influence sur son espace économique. Cela ouvre d’innombrables possibilités aux consommateurs désireux de s’impliquer dans les affaires du producteur.
  • Le consommateur gagnera un choix quasi illimité de produits et de services. Parce qu’une culture du paiement libre contribue considérablement à une économie de la longue traîne profitable, les consommateurs bénéficieront d’un marché d’une diversité inégalée.

Pour le producteur du libre :

  • Le paiement libre est de loin le modèle économique le plus facile et le moins coûteux à mettre en œuvre sur Internet. Très peu de barrières à l’entrée dans le marché. Le producteur envoie ses vidéos sur YouTube, publie ses textes sur Blogger, ses photos sur Flickr et sa musique n’importe où, et reçoit paiement via PayPal par exemple. Faible investissement initial requis et des frais d’exploitation minimaux.
  • Le modèle du paiement libre donne l’opportunité au producteur d’éliminer des intermédiaires de son processus d’affaires. Parce que le paiement libre permet un lien beaucoup plus direct entre le consommateur et le producteur, celui-ci peut optimiser sa structure de coûts et ainsi offrir à sa communauté de supporteurs un produit ou un service à un bien meilleur coût.
  • Le producteur est libre de distribuer son œuvre sous licence libre et ainsi pleinement embrasser la culture libre. Avec le paiement libre, le producteur n’a pas à se préoccuper de violation des droits d’auteurs, DRM et autres protections légales ou technologiques pour son travail.
  • Le modèle du paiement libre offre de bien meilleures opportunités pour se tailler une place dans le marché, et ce, même si le produit s’adresse à un auditoire très spécialisé. Grâce à l’énorme marché que représente Internet, le producteur peut espérer un revenu décent même si son produit ou service se situe loin du côté niche de la longue traîne.
  • Le producteur peut disposer des ressources d’une communauté engagée de vrais fans, des admirateurs suffisamment passionnés pour contribuer volontairement à son travail. Correctement nourrie et encouragée, une telle communauté est une plus-value inestimable pour le développement et la prospérité à long terme d’un producteur.

Pour la société:

  • Le paiement libre contribue à une économie plus efficace, moins gourmande en ressources et donc plus respectueuse de l’environnement. Parce qu’il favorise un lien plus direct entre les producteurs et les consommateurs et parce que la distribution d’un produit ou d’un service libre est beaucoup moins contraignante, ce modèle représente une occasion unique d’éliminer les activités ayant peu de valeur ajoutée des chaînes d’approvisionnement et qui gaspillent inutilement les ressources. Le paiement libre, avec la culture libre, représente un modèle économique beaucoup plus durable et moins nuisible pour l’environnement.
  • Le paiement libre favorisera une meilleure distribution des richesses dans nos sociétés. Parce que les gens sont moins enclins à payer quelqu’un perçu comme « suffisamment riche », cela leur donne l’opportunité de rediriger leur budget de consommation vers des producteurs plus marginaux. Avec le paiement libre, nous avons une opportunité d’avoir au bout du compte moins de millionnaires mais davantage de personnes capables de gagner décemment leur vie.
  • Le paiement libre peut contribuer à combattre la pauvreté et à aider les pays en voie de développement. Parce que ce modèle est facile et peu coûteux à mettre en œuvre, il offre davantage d’opportunités à une plus grande partie de la population mondiale.

Finalement, pour les esprits rebelles, c’est une façon de court-circuiter un système économique souvent perçu comme injuste et inefficace, un système à la solde d’une élite corporative privilégiée et surpayée. Pour reprendre les paroles de Saul William, c’est une manière de mettre le capitalisme échec et mat.

Bien sûr, ce modèle est basé sur l’intégrité et la sagesse. Ces qualités doivent être suffisamment répandues parmi les internautes pour que le modèle du paiement libre ait du succès. Mais je crois vraiment que c’est le cas. La preuve c’est qu’il existe déjà une culture libre très prospère. Wikipedia, Linux, Firefox sont tous les produits remarquables issus des principes de cette culture. Et le paiement libre y joue déjà un rôle important et sans cesse croissant, passant presque inaperçu. On l’appelle don, parrainage ou commandite, mais c’est la même idée fondamentale. Et cette idée n’attend qu’à être davantage connue et encouragée pour atteindre son plein potentiel.

Le paiement libre est la clef de la réalisation d’une économie de don durable et prospère pour la culture libre. On dit souvent que, dans une économie de don, les gens sont jugés moins sur ce qu’ils possèdent et davantage sur ce qu’ils donnent. C’est là un nouveau paradigme tout à fait passionnant et prometteur à explorer pour nos sociétés.

Pierre M

La révolution Wikipedia

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Née de l’idée très improbable d’élaborer une encyclopédie en ligne éditable par tout un chacun, via un outil insolite portant un drôle de nom, Wikipedia est devenue l’incontournable de la planète web que l’on connaît. Son remarquable succès a fini par rallier même les plus sceptiques sur la capacité du genre humain à réussir une telle entreprise collective. C’est incontestablement l’un des fleurons de la culture libre et le porte-étendard de l’ère Web2.0.

Wikipedia se démarque par sa réussite spectaculaire, mais surtout par certains concepts révolutionnaires qu’elle a contribué à mettre de l’avant.

Il y a d’abord son modus operandi, un système de gouvernance communautaire novateur qui a permis de harnacher avec un succès sans précédent la puissance extraordinaire, mais ô combien chaotique, d’une communauté importante et disparate.  Ce qui aurait pu facilement tourner en un désastre de contributions biaisées et de vandalisme incontrôlé a au contraire produit un résultat colossal ayant une fiabilité surprenante.

En s’abandonnant presque totalement à la sagesse des foules, les wikipédiens ont réussi en mettre en place une structure et des règles d’opération d’une étonnante efficacité. Au prix, doit-on cependant ajouter, d’une complexité à faire fuir à toutes jambes un non-initié. Cette philosophie de gestion participative a depuis engendré bien des rejetons et est très souvent citée en exemple par les gurus du web2.0. Certains voient même dans la recette Wikipedia le remède aux maux qui menaceraient la survie d’Internet.

Mais l’aspect le plus révolutionnaire de Wikipedia selon moi demeure son contenu. Je ne fais pas ici référence seulement aux articles encyclopédiques à la fiabilité controversée et somme toute calqués sur les encyclopédies traditionnelles, mais plutôt à l’ensemble de l’œuvre.

Car on l’oublie trop souvent, Wikipedia c’est beaucoup plus qu’une simple encyclopédie.

Non seulement y retrouve-t-on des articles résultant du consensus d’une communauté d’éditeurs, mais surtout Wikipedia offre une vitrine unique sur les débats et les controverses entourant chacun des sujets. Les discussions associées aux articles permettent de se faire une idée des divergences d’opinions et de prendre connaissance d’autres courants de pensée sur le sujet. Elles sont même souvent plus instructives que les articles eux-mêmes.

L’onglet discussion est à mon avis l’une des innovations les plus importantes de Wikipedia, mais également l’une de ses dimensions les plus sous-estimées. De par la nature des règles d’édition de Wikipedia, on doit à juste titre être vigilant et toujours mettre en doute la fiabilité de l’information que l’on y retrouve. Mais lorsque les articles encyclopédiques sont interprétés à la lumière des discussions qui les entourent, Wikipedia devient une source d’information inestimable avec laquelle aucune encyclopédie traditionnelle ne peut rivaliser. Bien sûr cela exige du lecteur un sens critique et une capacité d’analyse supérieure, mais c’est là la nouvelle responsabilité qui incombe aux internautes afin de bénéficier de cette révolution de l’information que représentent Wikipedia et le web. C’est d’ailleurs pourquoi ramener les critiques sur la crédibilité de Wikipedia à la seule perspective de la fiabilité de ses articles est grossièrement réducteur.

Un autre aspect du contenu de Wikipedia dont il est encore difficile de cerner tout le potentiel à long terme concerne son volet historique. En donnant accès à l’historique de tous les changements apportés sur ses articles, Wikipedia offrira aux historiens d’un futur pas si lointain une chronique extraordinaire de l’évolution du savoir et de la culture humaine. Dorénavant par exemple, on peut connaître chronologiquement quels sujets déclenchent les passions et quelle région du globe s’intéresse davantage à quoi. Je crois qu’on n’a encore aucune idée du potentiel extraordinaire que pourrait avoir cette nouvelle manne de données sur nos connaissances.

Wikipedia n’est peut-être pas la meilleure encyclopédie pour le présent, mais elle l’est certainement pour le futur.

À la lecture de ce qui précède, on pourrait croire que l’avenir de Wikipedia s’annonce radieux. Et pourtant, de nombreuses forces perturbatrices sont à l’œuvre qui, non seulement mettent à l’épreuve son bon fonctionnement, mais pourraient aller jusqu’à compromettre sa survie.

Et certaines de ces menaces proviennent de l’intérieur même de Wikipedia…

Pierre M

Le processus du libre: le chaînon manquant

(Texte original en anglais ici)

Depuis ses débuts, Internet a sans cesse lutté pour trouver sa raison d’être économique. En permettant au contenu numérique d’être copié librement et presque gratuitement, il a ébranlé les modèles économiques traditionnels, basés pour la plupart sur la vente de copies. Et depuis lors, aucun autre modèle n’a vraiment réussi à combler le vide.

On a longtemps cru que le modèle publicitaire était la solution. Ce fut le premier à émerger et à rencontrer un succès significatif. Et celui-ci est depuis le principal moteur économique du web. Mais aussi impressionnante que puisse être la croissance des revenus publicitaires, ce modèle à lui seul ne peut nullement satisfaire les besoins économiques actuels de la planète Internet, encore moins être garant de son futur. La quantité de contenus produits par les « amateurs » qui ne peuvent ou ne veulent pas en tirer un profit est déjà énorme et croît à une vitesse spectaculaire. Le modèle publicitaire n’est aucunement en mesure de soutenir seul une telle croissance et diversification.

D’autres modèles économiques sont utilisés avec un certain succès, comme le modèle Freemium (quelques personnes paient pour le produit amélioré, subventionnant les nombreuses autres qui obtiennent gratuitement le produit de base). Mais là encore, comme tous les modèles basés sur la vente de copies, il est inefficace, à moins de limiter la capacité du produit à être copié.

Internet est un animal complexe dont le métabolisme est fondé sur la liberté. Toute tentative de restreindre cette la liberté est condamnée, sinon à l’échec, à gaspiller les ressources à combattre la tendance naturelle des choses de l’Internet à revendiquer cette liberté. C’est pourquoi tous les efforts pour imposer un système limitant la copie se sont révélés difficiles, voire totalement vains. Le DRM et autres mécanismes anti-copie sont des culs-de-sac dans le monde numérique car ils vont à l’encontre de la nature fondamentale d’Internet, la libre circulation des données.

Internet est le royaume du libre.

Mais, comme les économistes se plaisent à dire, rien n’est gratuit dans la vie, pas même dans le cyberespace. Alors, comment peut-on faire de l’argent avec le libre?

Plusieurs solutions prometteuses sont actuellement explorées. Les textes de Kevin Kelly Better Than Free et 1,000 True Fans sont les meilleures réflexions sur le sujet que je connaisse. Il définit 8  valeurs “génératives” pouvant être exploitées dans le monde du libre. La plupart d’entre elles sont déjà utilisées dans une certaine mesure, comme la “trouvabilité” (iTunes, Netflix), d’autres le sont à peine.

Mais jusqu’à présent, aucun de ces modèles ne semble avoir le potentiel de propulser Internet dans cette nouvelle ère économique numérique tant annoncée.

Vraiment?

Dans une autre vie, j’ai été consultant en réingénierie des processus d’affaires. La première étape lorsque l’on veut examiner un processus c’est d’en faire un diagramme. Voici donc le diagramme du processus économique du libre. processus-du-libre-14

En regardant celui-ci, une conclusion saute aux yeux. Pour que ce processus soit économiquement viable, on doit fermer la boucle et fournir une certaine forme d’échange de valeur du consommateur du libre au producteur du libre. C’est évident et ne fait que reformuler le problème initial : comment peut-on fermer la boucle et redonner le sourire à notre producteur?

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Certains pourraient affirmer que puisqu’un producteur du libre est presque certainement aussi un consommateur du libre, il obtient une certaine valeur en retour en tirant profit lui aussi d’autres contenus et services libres. Comme dans une économie de cadeau. C’est probablement vrai, sauf que ça ne lui permet pas d’avoir plus d’argent dans ses poches (bien que cela aide certainement).

En regardant à nouveau le diagramme dans son ensemble, il y a un libellé qui s’impose de lui-même pour définir ce chaînon manquant.

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Le paiement libre. Un paiement que le consommateur est libre de faire ou non. Un paiement libre de toute valeur obligatoire. Un paiement libre de toute contrainte.

Le modèle du paiement libre est une solution intuitive, naturelle, élégante et simple au dilemme économique de la culture libre. Tellement qu’on le retrouve partout sur la toile et qu’il est utilisé depuis l’origine d’Internet. On l’appelle parrainage, don ou commandite, mais c’est exactement la même idée. Et il se développe constamment, passant presque inaperçu.

Parce que les gens veulent payer.

Ceux qui prétendent que les gens ne paieront jamais pour quelque chose qu’ils peuvent avoir gratuitement sous-estiment grossièrement l’intelligence et le bon sens du genre humain. Car ce n’est que le gros bon sens que de payer pour quelque chose que l’on utilise et apprécie. De cette façon, on s’assure d’en avoir encore plus à l’avenir. On garantit notre bonheur futur. C’est la chose intelligente à faire, d’un point de vue égoïste. Faire autrement finirait inévitablement par tuer la création du libre, et les gens sont assez sages pour comprendre cela.

Mais le paiement libre est avant tout une question de passion et d’amour. D’amour pour un artiste, un écrivain, de passion pour une communauté. C’est « une façon de se rapprocher, un signe d’approbation, un vote, une preuve de loyauté envers le producteur, et cela fait du bien au payeur ».

Je suis persuadé que le paiement libre, associé aux autres valeurs génératives énoncées dans Better Than Free, représente une solution, sinon la seule solution, à l’économie du libre. Parce qu’elle respecte et renforce les valeurs de la culture libre et de l’Internet. C’est une manière de concrétiser les promesses de la longue traîne. Une façon de donner espoir et soulagement aux innombrables créateurs du web. Un moyen de soutenir et de défendre l’explosion sans précédent de créativité et d’inventivité engendrées par Internet. Il en va de l’intérêt de chacun, producteurs et consommateurs du libre, tous les Netizens.

Et il ne lui reste plus qu’à atteindre une masse critique de participants pour que ce modèle ne devienne une vraie révolution économique.

Pour cela, la culture du paiement libre doit simplement être nourrie et encouragée, car ses racines sont déjà bien ancrées dans la culture du web. Déjà d’innombrables personnes contribuent par leur temps, talent, créativité et argent dans l’économie du libre. Cela s’appelle Open Source, web2.0, communautés en ligne, blogues, Wikipedia… et paiements libres, tous parties intégrantes de la révolution de la culture libre.

Le paiement libre pourrait être le chaînon manquant vers la réalisation d’une économie de cadeau prospère et durable pour la culture libre. Parce que les paiements libres sont eux aussi de véritables cadeaux.

Certains affirment que les économies de cadeau sont de pures utopies.

Je connais un groupe d’utopistes qui, une fois par année, créent dans un désert reculé du Nevada une fabuleuse société basée sur une économie de cadeau. Et ils réalisent là-bas des choses assez incroyables. Cela s’appelle le Burning Man.

Ils savent et je sais que les utopies sont très souvent de fort possibles futurs. Il n’en tient qu’à nous pour qu’elles se concrétisent.

Pierre M

(Merci à Dominique pour son travail de traduction)

À lire sur le même sujet : Plaidoyer pour le paiement libre

La tablette TechCrunch: l’expérience Open Source

Il y a trois mois de cela, le célèbre blogueur Michael Arrington du populaire site TechCrunch lançait le projet de concevoir une tablette internet « dead simple » pour moins de 200 $. Pour ce faire, il demandait la collaboration des internautes afin de réaliser un ordinateur compact et simple (un seul bouton pour la mise en marche), sans fil et avec écran tactile, conçu spécifiquement pour surfer sur Internet. Et tout ça, selon le modèle Open Source, tant pour le matériel que pour le logiciel. Bref, le genre d’appareil parfait pour le Nuage.

La réponse fut massive et fulgurante : près de 1200 commentaires la journée même de la parution du texte d’Arrington. Depuis, on dénombre plus de 2400 commentaires laissés sur les quatre billets publiés par TechCrunch sur le sujet. On y retrouve d’innombrables suggestions, idées et offres de participation, toutes plus enthousiastes les unes que les autres.

Ce qui démontre bien l’intérêt, non seulement pour le produit, mais également pour ce genre d’initiative.

L’idée d’une communauté collaborant au développement d’un produit Open Source n’est pas nouvelle, loin de là. Il en existe de nombreuses dans le domaine du logiciel, certaines très prospères, et ce, depuis plusieurs années. Les communautés Linux et Firefox sont probablement les plus célèbres et il en existe de nombreuses autres.

Bien que moins connus, les produits Open Source Hardware connaissent également une popularité grandissante. Mais contrairement à leur homologue logiciel, leur mise au point initiale est généralement le fait d’entreprises ayant pignon sur rue ou de petits groupes d’individus, et non pas le résultat d’un travail collaboratif d’une communauté.

Et il y a une bonne raison à cela. La mise au point d’équipements électroniques le moindrement complexes requiert souvent l’utilisation d’instruments spécialisés et coûteux, des efforts laborieux de débogage en laboratoire et des essais de conformité complexes.  Plusieurs des étapes nécessaires à la réalisation d’un produit hardware nécessitent un travail initial et un investissement financier difficiles sinon impossibles à partager via une communauté Internet.

Les communautés gravitant autour des produits Open Source Hardware existants se sont en général formées ultérieurement à leur mise en marché. En modifiant ou en étoffant le logiciel embarqué, en proposant des améliorations au hardware ou en créant de nouvelles applications, la communauté prend par la suite une part plus ou moins importante dans l’évolution du produit, mais le processus initial de réalisation demeure plutôt traditionnel.

À ma connaissance, l’initiative de TechCrunch représente la première tentative de réalisation, à partir de zéro, d’un produit grand public relativement complexe, via le travail collaboratif d’une communauté. Il sera très intéressant de voir comment le groupe de Michael Arrington surmontera les problèmes tels que par exemple, celui de l’homologation du produit (obligatoire pour ce type d’appareil si l’on veut l’utiliser légalement) qui nécessitent l’utilisation d’installations sophistiquées et coûteuses.

Les produits Open Source sont déjà en bonne voie de changer la donne dans plusieurs industries. Si le projet de Michael Arrington est couronné de succès, ce que je souhaite, cela renforcera considérablement cette nouvelle culture de consommation. Car à n’en pas douter, d’autres suivront l’exemple.

Aux dernières nouvelles, le 30 août dernier, un prototype avait été construit. Mais depuis, plus rien. Le projet semble être passé dans un mode « privé », Arrington ayant décidé de « limiter le nombre de cuisiniers dans la cuisine« . Si quelqu’un quelque part a la chance d’être dans le secret des dieux, pleeeeze donnez-moi des nouvelles!

Mais peu importe l’issue, de plus en plus un nouveau choix de consommation nous est dorénavant offert. Le choix des produits « libres ».

Pierre M

La fin de l’Internet: des signes avant-coureurs?

Une nouvelle horrifiante sur le front de la neutralité du net. L’Australie s’apprêterait à mettre en place un système obligatoire de filtrage du contenu pour tous les fournisseurs d’accès Internet du pays.

Les intentions censoriales du gouvernement australien ne sont pas nouvelles, mais celui-ci avait jusqu’à présent laissé croire que le système serait optionnel. L’objectif étant avant tout d’empêcher les mineurs d’accéder à du contenu pornographique, une clause de « opt-out » était prévue. Mais il n’en est rien. Les Australiens auront tout juste la possibilité de choisir leur niveau de censure, le matériel considéré comme « illégal » étant obligatoirement filtré, avec toutes les possibilités d’abus et de dérive que cela implique.

On n’est plus surpris d’apprendre ce genre de chose en provenance de pays totalitaires, mais venant d’une démocratie soi-disant ouverte et libre, c’est tout simplement terrifiant.

Ce genre de filtre est notoirement facile à contourner (pour l’instant), mais n’empêche que cela démontre clairement que personne sur la planète n’est à l’abri des ambitions orwelliennes de sa classe dominante. Particulièrement quand un pays est gouverné par des gens ayant une propension troublante à s’approprier le droit de décider de ce qui est ou non contraire à « l’ordre public ».

Justement ici au Canada, le CRTC entreprendra sous peu des audiences publiques sur le sujet.

J’ai de plus en plus peur à mon Internet. Pas vous?

Pierre M

Autres billets en lien avec le sujet:

Le processus du libre: le chaînon manquant (anglais)

MAJ : La traduction est maintenant disponible ici.

J’ai publié sur mon blogue en anglais une réflexion que je crois intéressante sur l’économie du « libre ».

J’essaierai de trouver du temps pour traduire le texte sous peu, mais en attendant je vous invite à en prendre connaissance ici.

Et si vous trouvez que c’est une bonne idée, n’hésitez pas à « digger » l’article.

Pierre M

Un Flash Mob électoral

En cette période où les vénérables institutions politiques canadiennes tentent encore une fois de nous convaincre de leurs pertinences, je m’en voudrais de passer sous silence le concept très original du site Voter pour l’environnement.

Ce site remarquable est une initiative non partisane (?) d’une éditrice d’un magazine torontois. Il offre aux électeurs la possibilité de faire un vote stratégique pour l’environnement, et donc à toutes fins pratiques contre le parti Conservateur, de façon à minimiser l’impact de la division du vote environnementaliste.

Les technologies de communication Internet sont utilisées d’une façon sans précédent dans les présentes campagnes électorales américaine et canadienne. Que ce soit la fameuse Obama Girl (et maintenant la Harper Girl 😮 ), ou les initiatives de citoyens, de créateurs, d’artistes ou de personnalités hollywoodiennes, tous rivalisent d’originalité et de créativité dans leurs utilisations du web.

Mais toutes ces initiatives, aussi admirables et efficaces soient-elles, se contentent d’utiliser les capacités multimédias et participatives d’Internet pour faire la promotion d’un parti politique ou d’une idéologie. Fondamentalement, ce n’est que de la propagande traditionnelle à la sauce web.

Ce qui est remarquable derrière le concept de Voter pour l’environnement c’est que, contrairement à ces autres initiatives « passives », celle-ci tente de fédérer les internautes derrière une action politique spécifique et concrète, allant au-delà des institutions politiques traditionnelles. C’est ni plus ni moins qu’un nouveau type de « parti » politique dont il est question. Un nouveau choix politique, rendu possible par l’utilisation d’Internet, qui fait éclater les divisions partisanes traditionnelles.

Certains pourraient y voir une menace au processus électoral. Moi j’y vois plutôt un complément à celui-ci. Un complément très opportun en cette époque de désintérêt et de cynisme rampant à l’égard du système politique.

Récemment, j’ai parlé du potentiel encore inexploité d’Internet à développer et exploiter de nouvelles formes d’activisme politique et économique. En allant au-delà du paradigme politique traditionnel, Voter pour l’environnement incarne très bien ce potentiel. Quel que soit l’impact que celui-ci aura sur la présente campagne électorale, je demeure convaincu que ce n’est que le début de l’histoire.

Tout comme Internet a permis une diversification extraordinaire des modes d’expression artistiques, nous assistons également grâce à celui-ci à une diversification des modes d’action sociale, politique et économique. Sous une forme ou une autre, ce nouvel activisme web2.0 prendra inéluctablement de plus en plus de place dans le paysage de toutes les sociétés branchées, contribuant ainsi à « rafraîchir » des démocraties qui oublient trop souvent les intérêts de ses citoyens.

En tout cas, moi je vote pour le parti environnement.

Pierre M

Le Cloud Computing, une menace pour Internet?

Je recommande fortement, à quiconque s’intéresse à l’avenir du web, la lecture du livre The Future of the Internet and How to Stop It.

Derrière ce titre accrocheur, mais approprié, j’ai découvert une thèse très érudite et extrêmement intéressante de Jonathan Zittrain qui pourrait bien faire date dans la courte histoire d’Internet. D’ailleurs, le livre, ainsi que les articles précurseurs de Zittrain, font beaucoup parler.

La pierre angulaire de l’ouvrage, et à mon avis son concept le plus novateur et important, est celui de « générativité ».

Selon la définition de Zittrain, la générativité désigne « la capacité d’une technologie à produire des changements inattendus et spontanés, par l’action non coordonnée d’un auditoire diversifié et suffisamment important » (traduction libre).

Ou plus simplement, dans les mots de Nicholas Carr, elle « permet à une foule de gens de créer et de distribuer un tas de choses, pouvant ensuite être utilisées pour créer encore plus de choses » (traduction libre).

Un des exemples les plus représentatifs d’une technologie générative est le papier et le crayon. On ne compte plus le nombre de réalisations humaines, la plupart inattendues, découlant de l’invention du papier et du crayon. À l’opposé, un grille-pain est un bon exemple d’une technologie non générative ou stérile. On ne peut pas en faire grand-chose d’autre que ce pourquoi il a été conçu, soit griller des tranches de pain (des gaufres aussi peut-être?).

Zittrain suggère que la qualité la plus importante du système composé de l’ordinateur personnel et du réseau Internet, celle qui représente le mieux son essence, celle qui a permis la révolution numérique extraordinaire que l’on connaît, c’est la générativité. Parce qu’ils sont hautement génératifs, l’action combinée du PC et d’Internet a permis cette explosion sans précédent de créativité et d’innovation. Et il suggère donc d’orienter les décisions et de juger des technologies et des forces en présence sur le fait qu’elles contribuent ou non à la générativité du système.

Et vu à travers la lorgnette de la générativité, l’avenir d’Internet et du PC serait plutôt sombre­. De nombreuses forces sont à l’oeuvre qui pourraient avoir comme conséquence sinon de tuer, de restreindre considérablement leur générativité à plus ou moins court terme. Avec comme résultat probable un déclin important du niveau d’innovation et de créativité que nous vivons actuellement. Le livre de Zittrain dresse un portrait des menaces à la générativité du système web/PC et propose certaines pistes de solution.

L’une des principales menaces réside dans la tendance vers « l’accessoirisation » des appareils utilisés par les consommateurs pour accéder au réseau.  L’exemple phare de cette tendance est le iPhone. En effet, aussi utile et bien conçu que puisse être l’appareil, celui-ci ne permet pas l’installation et l’utilisation libre d’applications conçues par des tierces parties, sauf celles dûment autorisées par Apple. Le iPhone n’est pas un appareil génératif au sens où l’est le PC.

Et cette tendance serait renforcée par la prolifération incontrôlable des virus et autres « badwares » qui polluent actuellement l’espace numérique, poussant ainsi les utilisateurs à choisir des appareils qui les prémuniraient davantage contre ces nuisances. Ce que font beaucoup plus efficacement les appareils peu génératifs.

Un peu de la même façon, le Cloud Computing menacerait également la générativité du web/PC. En permettant de substituer au traditionnel couple ordinateur personnel – logiciel, un simple terminal web couplé à des applications « dans le nuage », le Cloud Computing enlève à l’utilisateur une partie plus ou moins grande de sa capacité (et de sa motivation) à expérimenter et à modifier son environnement technologique.

Peut-être qu’une des planches de salut réside dans cette autre tendance forte, celle des produits Open Source? On peut argumenter que ceux-ci, parce que pouvant être librement modifiés par quiconque en a les compétences, constituent également un facteur génératif significatif. Un appareil ou une application web Open Source, même si stérile en soi, permettrait de regagner une partie de la générativité perdue, celle-ci se déplaçant simplement de l’utilisateur à la communauté des développeurs.

On peut ou non être d’accord avec les solutions proposées par Zittrain (et plusieurs ne le sont pas), mais son concept de générativité, et l’analyse subséquente qu’il fait de l’état des lieux, est à mon avis tout à fait pertinente et solide. Il y aurait donc réellement matière à s’inquiéter pour l’avenir du net.

Pierre M

P.-S.

1) Le livre est publié sous licence Creative Common et disponible ici. Mais ne soyez pas chiche, si le sujet vous intéresse au point d’envisager de vous taper un livre de 325 pages rivé à un écran d’ordinateur, encouragez plutôt l’auteur et achetez-le.

2) On trouvera ici la vidéo d’une conférence où l’auteur fait un très bon et très divertissant résumé du livre.


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